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Sortie : 19 mars 2015
464 pages
N° ISBN : 978-2369560173
Traduit du bulgare par Marie Vrinat-Nikolov

Traduction : Marie Vrinat-Nikolov

21,00 

Guéorgui Gospodinov

Guéorgui Gospodinov est l’un des auteurs phares de la jeune génération des écrivains bulgares. Son premier roman, Un roman naturel, traduit en plus de vingt langues, a renouvelé profondément la prose bulgare, redonné goût aux lecteurs de lire des œuvres bulgares et fait du roman le genre dominant dans la littérature bulgare du XXIe siècle en lieu et place de la poésie. La plupart de ses œuvres ont connu un immense succès en Bulgarie. Il a reçu plusieurs prix nationaux et est, à ce jour, l’écrivain bulgare contemporain le plus lu dans son pays et le plus traduit. Il est aussi l’auteur de nouvelles et d’essais, poète, dramaturge et critique littéraire. Physique de la mélancolie, son second roman, a fait partie des quatre finalistes du Prix Strega en 2014 et a reçu le Prix Jan Michalski de littérature 2016.

Physique de la mélancolie

Collection « Sémaphores »

Lauréat du Prix Jan Michalski de littérature 2016

Un roman naturel avait été salué par la critique internationale comme l’un des meilleurs romans postmodernes européens dont la structure ouverte et libre, l’écriture fragmentée et ludique se révélait être particulièrement propice à allier les contraires : imbrication de la mémoire collective (celle du socialisme) et de la mémoire individuelle (celle du monde de l’enfance) ; de la nostalgie et de la dérision par l’ironie, dans une quête du « moi » longtemps sacrifié au nom de l’édification collective d’un nouveau modèle de société mais qui se révèle n’avoir de sens qu’en tant que maillon d’une autre grande chaîne collective, celle qui le rattache à l’histoire d’un peuple et à l’histoire mondiale.

Physique de la mélancolie, roman-labyrinthe, apparaît comme un prolongement et un dépassement longuement et patiemment mûri de cette quête du moi qui englobe tous les autres « moi », et ce, dès le tout début du roman, dans son prologue qui déclare : « Je sommes nous. »

Dans ce labyrinthe (celui des histoires, mais aussi celui du Minotaure, alter ego du narrateur) Guéorgui Gospodinov pousse plus loin cette démultiplication des « je ». Que de non-vécu, de manqué, de passé à côté, de laissé de côté dans une existence ! De multiples fils d’Ariane relient ce moi incomplet d’ici et maintenant aux autres « moi » d’autres lieux et d’autres époques, humains, animaux ou plantes le transformant en un moi collectif, empathique, qui lui permet de traverser les âges et d’entrer tour à tour dans les histoires et les corps de son grand-père dans la Hongrie de 1945, du Minotaure, de Guéorgui Gospodinov dans la Bulgarie communiste et postcommuniste de 1968 à 2011, d’une mouche à vin, d’un nuage de printemps, d’une perdrix, etc.

Avec l’enfance prend fin l’empathie. Le moi collectionne, « achète » alors les histoires d’autrui, encapsule le temps. Pour retarder la fin du monde. Pour ne pas oublier. Ce que l’on oublie habituellement, le périssable, l’éphémère, le quotidien, l’oublié par la « Grande Histoire », le Minotaure. Parce que le sublime est partout, même dans « l’architecture, la physique et la métaphysique de la bouse de buffle ». Parce que le passé est le seul futur possible. Car, si l’imbrication de l’Histoire et des histoires personnelles, la mélancolie suscitée par l’impossibilité de communiquer vraiment entre les êtres, traversent l’œuvre de Gospodinov, elle est également « imbibée » du sentiment des apocalypses à venir.

Dans cette quête de l’universel par le prisme du personnel, en dépassant le national, quoi de plus partagé, en ce début de XXIe siècle, que le sentiment de crise et la mélancolie qui en résulte ? Et pour conjurer la mélancolie, il faut la raconter. L’architecture du roman, labyrinthe dynamique, fragmenté, qui collectionne histoires, listes, catalogues, carnets et énumérations, nous place, comme le narrateur, à la veille d’une fin, d’une apocalypse, qui peut se révéler infinie. Physique de la mélancolie s’inscrit ainsi dans la poétique du divers et de la relation développée par Édouard Glissant : à la conception de « l’identité à racine unique et exclusive de l’autre » véhiculée dans de nombreux textes d’écrivains des Balkans porteurs d’une esthétique exotisante et foklklorisante, Glissant oppose une autre notion d’identité « comme rhizome », c’est-à-dire « non plus comme racine unique mais comme racine allant à la rencontre d’autres racines. » Une identité-relation.

Collection « Sémaphores »

Collaboration entre les éditions Intervalles, le Centre d’études et de Recherches sur les Littératures et Oralités du monde (CERLOM) et le Centre de Recherches Europes-Eurasie (CREE) de l’Inalco.

Tout comme les sémaphores, ces « porteurs de signe » surplombant de vastes étendues et paysages, cette collection est une invitation au voyage d’horizons étrangers peu connus. Elle a pour ambition de porter à la connaissance d’un large public des textes majeurs des littératures du monde à la faveur d’une collaboration unique entre les éditions Intervalles et l’Inalco, où dialoguent et se croisent près de cent littératures des cinq continents.

« Sémaphores » signalise avant tout, dans l’espace infini du patrimoine littéraire mondial, de grands romans contemporains de littératures encore trop souvent méconnues, mais aussi des recueils de nouvelles et des œuvres du passé, inconnues ou oubliées, que des chercheurs et traducteurs passionnés ont à cœur de transmettre au public en lui donnant à entendre, voir, goûter et sentir les musiques et les univers d’écritures singulières.

Critiques

« Voilà qui est si rare : lire un livre d’aujourd’hui, pour aujourd’hui et pour après-demain – et qui ne veut rien annoncer, rien révéler mais qui parle, simplement, qui nous parle sans être empêtré dans quelque ‘’autofiction’’ pas plus que dans le ‘’document’’ ni dans une des poses du jour, ricanante ou évaporée. Bigre ! comme cet air frais vous réveille ! » Jean-Luc Nancy, Libération

« Ne cherchons pas un sens définitif à ce roman, encore moins de message univoque. Laissons-nous déstabiliser au gré des narrations, déclarations, listes saugrenues que ce roman-monstre agrège. Laissons-le nous conduire on ne sait où, si ce n’est à une autre façon de regarder et de comprendre le monde. » Florence Bouchy, Le Monde des Livres

« La nostalgie tout autant que le nationalisme, pour lui, sont des tentatives pour fuir ou nier la mélancolie du présent. Leur résister requiert d’embrasser cette mélancolie, et la véritable quête de Gospodinov dans Physique de la mélancolie est de trouver une voie pour vivre avec cette mélancolie, lui permettre d’être une source d’empathie et de salutaire oscillation – l’antidote aux politiques du bouc-émissaire et aux exhortations du marché – plutôt que la cause d’une peur sauvage. » Garth Greenwell, The New Yorker

« Roman gigogne, boîte à magie, où la démultiplication des voix crée la fascination si on se laisse aller à les écouter comme elles arrivent, en flots qui parfois murmurent, qui parfois hurlent. » Hubert Prolongeau, Le Monde diplomatique

« On comprend mieux, à travers ce besoin viscéral d’empathie, l’éclatement des formes du roman. Pas de récit linéaire ici, mais une tentative pour conjurer la mélancolie, par les tours et détours d’une écriture en spirales. » Julien Teyssandier, La Revue littéraire

Interview de Guéorgui Gospodinov à l’occasion de la remise du Prix Jan Michalski 2016